Aller au contenu

Sur Ver?nderungen (deuxi?me sonate)

  • par

Ver?nderungen est une commande du Mus?e du Louvre, ?crite pour une s?rie de manifestations consacr?es aux ? Variations Diabelli ? de Beethoven. Le titre ? Ver?nderungen ? se r?f?re directement ? celui que Beethoven inscrivit en t?te de sa partition lors de sa premi?re ?dition. Car si ce monumental cycle pour piano est connu sous le nom de ? Variations Diabelli ?, Beethoven lui donna celui de ? Drei-und-dressig Ver?nderungen ?ber ein Walz von Anton Diabelli, opus 120 ?. Sans doute conscient du pas gigantesque qu?il venait de franchir dans cette forme de composition, fid?le aussi ? sa volont? d?exprimer ses indications musicales dans sa propre langue et non plus dans l?Italien de convention, et peut-?tre aussi voulant se d?marquer nettement des petites pi?cettes qui devaient ?tre compos?es sur ce m?me th?me, Beethoven d?cida de ne pas les appeler ? variations ?, mais ? Ver?nderungen ? qui signifie ? transformations ? ou ? modifications ?. Mais le commun des mortels, toujours prompt ? la classification et aux rangements d??tag?res, en faisant la sourde oreille ? cette nuance, a continu? (et continue toujours) ? lui donner une magistrale le?on de surdit? !

En me confrontant aux ? Diabelli ? de Beethoven, mon intention n??tait bien s?r pas de reprendre ce qui fait la g?niale singularit? de cette oeuvre, quand bien m?me on pourrait la d?finir. Certes, ? l?analyse, on peut suivre l?incroyable pens?e d?ductive qui l?a amen?e ? imaginer tant de formes d?expressions, de caract?res, de complexit? structurelle, de richesses harmoniques et polyphoniques ? partir d?une simple petite valse. Beethoven annonce tout ? la fois Chopin, Schumann, Brahms, Liszt, Wagner, et m?me Schoenberg et Webern dans ses ? Diabelli ?. Toutes ces cat?gories sont cependant charg?es d?un poids historique tel qu?elles ne sont d?aucune utilit? pour la cr?ation, ? moins de tomber dans une posture post-moderne, ce que je me suis toujours refus? ? adopter. Il ne faut donc pas s?attendre ? y trouver beaucoup de citations, et si citations il y a, elles apparaissent plus comme des fant?mes qui viennent visiter l?oeuvre que comme des figures identifiables en tant que telles. Ce n?est pas du langage Beethovenien dont je me suis servi mais plut?t de ses gestes : un profil rythmique particulier, une conception temporelle, une r?partition des voix, un caract?re, une obstination. Les ? Diabelli ? seront en quelques sortes en filigrane derri?re l?oeuvre, elles sont un paysage qui se trouve en arri?re-plan. Si les ? Diabelli ? ont bel et bien ?t? ? l?origine de la plupart des moments de cette oeuvre, j?ai cherch? ? en att?nuer leurs pr?sences et, suivant en cela le pr?cepte de Beethoven, leur faire subir de profondes ? transformations ? plut?t que des ? variations ?.

Voici quelques exemples sonores dans lesquels on peut ?couter les relations entre Ver?nderungen et les Drei-und-dressig Ver?nderungen ?ber ein Walz von Anton Diabelli de Beethoven :

Le th?me: Une rosalie qui « lance » le th?me :

Une rosalie qui le « bloque » :

Ver?nderungen I : Une marche pr?monitoire des Meistersinger de Wagner :

le souvenir d’un geste appuy? et r?tract? :

Ver?nderungen III : Une curieuse formule qui tourne sur elle-m?me :

et ses fant?mes nocturnes:

Ver?nderungen V : Le squelette de la rosalie, comme une insistance :

ou comme un obsession :

Ver?nderungen VIII : Une formule dont Brahms se souviendra :

sous des arp?ges montants, une m?lodie descend :

Veränderungen XII : Un perpetuum mobile d’accords serr?s :

dont le tempo, ici, vascille :

Ver?nderungen XIII : Poids, tensions, silences :

et r?sonnances :

Ver?nderungen XX : Musique m?ditative :

M?ditation sur la m?ditation :

Ver?nderungen XXIII : Une masse d’o? na?t un tourbillon :

Une masse d’o? s’?chappe une r?p?tition :

Ver?nderungen XXVIII : Les miroirs obstin?s :

obstin?s et d?form?s :

Ver?nderungen XXXI : Adagio nocturne… o? tout semble s’acc?l?rer

des valeurs br?ves dans une tr?s grande lenteur :

Ver?nderungen XXXII : La fugue magistrale :

dont il reste le souvenir d’une r?p?tition :

Ver?nderungen XXXII : L’incroyable modulation :

Sonorit?s fig?es dans un espace vide :

Ver?nderungen XXXIII : L’hommage à Haydn :

Les arabesques qui parcourent toute l’oeuvre :

Philippe Manoury

San Diego, le 17 novembre 2009

Les exemples sonores sont jou?s par Jean-Fran?ois Heisser :

– Livre-disque avec le texte de Michel Butor « Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli » (?dition na?ve ACTES SUD N? d’?diteur: 4290)

– Enregistrement de la cr?ation mondiale de Ver?nderungen ? l’auditorium du Mus?e du Louvre à Paris, le 7 mars 2007.

Vid?o de Ver?nderungen interpr?t? par William Fried